Article de Pascale Nobécourt dans la Revue de la Céramique et du Verre, janvier-février 2011



Flavie Cournil, l’air de rien


Flavie Cournil, 32 ans, vit et travaille à St Etienne. Avec trois bidules et un soupçon de grâce, elle offre une source fraîche d’images et sensations nourries de joie enfantine.

Accrochée au mur à hauteur du regard, elle saute aux yeux, forçant à s’approcher.Toute simple et rose dans le brouhaha de l’ensemble des œuvres sélectionnées pour la Biennale de Vallauris entreposées là en attendant l’aménagement final. Tiens, une pièce qui murmure, se dit-on, ravi de cette soudaine éclaircie musicale.Cinq arches, d’une dizaine de centimètres chacune découpées à la hâte dans de la porcelaine, peintes d’engobes rose et blanc façon Chamallow et disposée sur une petite étagère de bois clair. Comme cinq diapasons qui réveillent la note de l’enfance, le la-la-la d’une chanson pleine de jambes roses à chaussettes blanches, l’histoire des cinq fers à cheval du bonheur retrouvé ou du palais sucré mais un peu de guingois du Prince de Rien ne voulant régner sur rien, heureux en son royaume des petits riens, idiot, sensible, humain.
« Faut-il demander à la poésie d’être efficace ? » interrogeait dans l’un de ses dessins Flavie Cournil en 2001 à la fin de ses études aux Beaux-Arts de Limoges. A l’époque, ce sont plutôt les livres d’artistes qui la monopolisent, des petits volumes pas plus grands que la main, qu’elle conçoit, fabrique et diffuse sous le nom des Editions de la Petite Cuisine. « Je suis rentrée aux Beaux-Arts pour apprendre à dessiner, mais ce n’est pas là qu’on apprend la technique, c’est plutôt une école de la débrouillardise. J’y suis restée car cela m’a ouvert à l’art, à tout un tas de choses dont je ne soupçonnais même pas l’existence. Après, j’ai voulu faire une formation céramique à Sèvres, mais j’étais trop vieille. »
De cette succession d’actes manqués, Flavie Cournil – qui admire l’art de Richard Tuttle – a su tirer parti : le manque de connaissance technique s’est métamorphosé en économie de moyens revendiquée, servant un vocabulaire volontairement restreint tant au niveau des formes que des couleurs.
Assistante de plusieurs artistes (Carole Benzaken, Philippe Favier, Coline Fabre) au fil des dix dernières années, elle à flirté d’un savoir faire à l’autre sans jamais rentrer dans aucun « métier ». Beaucoup de matériaux lui passent entre les mains. En naissent des ensembles de pièces en bois, plâtre, chaux, verre… souvent présentés en installation. Flavie Cournil apprécie la porcelaine pour sa densité et sa façon particulière de prendre la couleur. L’artiste n’a jamais autant fait de céramique que depuis qu’elle a eu la surprise d’être retenue au concours de la Biennale de Vallauris. « Je ne me sentais pas très légitime ». Les œuvres sélectionnées, issues de la série des Formes Plates, démarrée en 2005 ont été regroupées sous le titre Une belle pièce du service. Fruits d’une mise en œuvre aussi facile que rapide, épaisses de deux millimètres, elles portent la trace du pinceau et sont cuites au four électrique. « Jaime que la matière, la forme et la couleur soient une seule et même chose ».
Leur pouvoir d’évocation tient dans l’utilisation d’un répertoire de motifs – ronds, carrés, rectangles, demi-cercles ou losanges…- que l’on retrouve à la base de toutes les cultures. « Ce sont des formes abstraites mais pas intimidantes, elles nous sont familières. »
Avec le Matériel de Plage, elle parvient en quatre éléments muraux blancs cernés de bleu marine, à faire surgir en nous la sensation guillerette, ensoleillée, chaleureuse d’une journée d’été au bord de la mer. « J’ai envie de cela soit gai, positif. En même temps, il y a un côté de guingois, un peu défaillant d’une géométrie où la règle aurait dérapé. C’est l’aspect poétique des choses. »
À l’opposé d’un art spectaculaire, Flavie Cournil propose un art du peu qui cherche un rapprochement, « une espèce de tutoiement affectueux » avec l’autre. C’est simple, mais pas simpliste, discret mais présent. Et puis frais, modeste et bienveillant.

Pascale Nobécourt